Il est étrange d’écrire sur quelque chose qui n’existe pas encore.
Un empire qui ne s’est pas encore levé, une bannière qui n’a pas encore claqué au vent, une voix qui n’a pas encore porté son écho au-delà des murs invisibles du néant numérique. Et pourtant, je le sens : quelque chose germe.
Depuis des années, je scrute ce monde saturé de signes. Les marques défilent, toutes semblables. Elles promettent, elles séduisent, elles crient. Mais quand le vacarme se dissipe, il ne reste rien : ni mémoire, ni noblesse, ni ombre ni lumière. Juste des vêtements de coton qui s’usent, des slogans qui s’évaporent.
Un vide tapageur. Une foule sans bannière.
Et puis, il y a eu cette fissure.
Je ne saurais dire où ni quand elle s’est ouverte, mais je l’ai vue.
Comme une lézarde dans le mur de l’indifférence.
Imaginez une place immense, saturée de cris. Des enseignes s’illuminent, des affiches s’arrachent, des écrans clignotent. Tout attire l’œil, rien ne retient l’âme. Le commerce a dévoré son propre sens, et ceux qui achètent n’achètent plus qu’une image instantanée, un logo qui disparaît aussi vite qu’il est apparu.
J’ai couvert des lancements, assisté à des défilés, écouté des discours d’entrepreneurs persuadés de réinventer la mode, et pourtant, tous semblaient prisonniers du même mirage.
Personne n’osait parler d’héritage, de pouvoir, de symbole. Ces mots étaient jugés trop lourds, trop anciens, trop graves pour une génération que l’on disait volubile et légère.
Mais sous la surface, il y avait une lassitude. On la devinait dans les regards détournés, dans les gestes mécaniques de consommation, dans cette impression que plus rien n’avait de valeur.
C’est dans cette fatigue collective qu’un mouvement a commencé.
Discret. Presque invisible.
Mais bien réel.
Je ne connais pas encore son nom, mais bientôt on l’appellera l’Empereur. Il n’avait rien d’un monarque au début : pas de palais, pas de soldats, pas même de royaume. Rien qu’une conviction.
Il regardait ce vide saturé, ce marché vidé de sens, et il s’est dit : non.
Il a refusé la fatalité.
Et de ce refus est née une étincelle.
Je l’ai vu. Une nuit, son écran d’ordinateur reflétait des lueurs pâles, et dans ses carnets, les mots griffonnés formaient déjà les fragments d’un empire. Pas encore une marque. Pas encore un produit. Une idée.
Une révolte silencieuse.
Je ne suis pas acteur de cette histoire. Je ne suis pas de ceux qui bâtissent, ni de ceux qui annoncent, ni de ceux qui dessinent. Je ne suis pas l’Empereur, ni le Héraut, ni l’Architecte.
Je suis seulement celui qui regarde.
Celui qui écrit.
Celui qui consigne la fracture du monde ancien et l’émergence d’une bannière neuve.
C’est étrange d’écrire sur un vide. D’écrire avant que la pierre ne soit posée, avant que la voix ne se lève, avant que l’encre ne devienne manifeste. Mais peut-être est-ce justement là que tout commence : dans l’ombre, avant la lumière.
Peu de gens l’ont remarqué. Mais dans les marges, certains détails ont changé.
Un mot lâché par le futur Héraut, comme une prophétie murmurée.
Un croquis esquissé par l’Architecte, comme une bannière encore invisible.
Et ce regard de l’Empereur, fixe, déterminé, presque obsédé.
Ce ne sont pas encore des actes.
Ce ne sont que des signes.
Mais l’histoire se nourrit d’étincelles.
Et je sens que ces étincelles s’accumulent, prêtes à embraser quelque chose de plus grand.
Le monde ne comprend pas encore. Pour lui, tout continue comme avant : les marques saturent l’espace, les foules consomment, le bruit recouvre le silence.
Mais moi, je vois la fracture.
Elle est fine comme une craquelure dans une muraille. Mais elle est là.
À travers elle passe un rayon de lumière.
Ou peut-être est-ce une ombre.
Car déjà, la dualité s’annonce : Monark naîtra dans un équilibre instable, entre le jour et la nuit, entre la promesse et la menace.
Je n’ai pas encore toutes les réponses. Je ne sais pas si cet empire verra le jour, ni s’il survivra aux premières tempêtes. Mais j’ai appris à reconnaître les instants où l’histoire bascule, même si elle ne le sait pas encore.
Celui-ci en est un.
Un point de rupture.
Un silence qui précède la détonation.
Je suis le témoin de ce silence.
Et demain, peut-être, je serai le témoin de l’Empire.
Ainsi commence mon récit.
Non pas par une victoire, ni même par une bataille, mais par une absence.
Un monde saturé de marques vides.
Un fondateur qui refuse ce vide.
Une fissure dans la muraille.
On dit souvent que l’histoire commence avec le bruit des armes ou le cri des foules. Mais l’histoire de Monark commence avec un murmure.
Un murmure que je suis peut-être le seul à entendre.
Et pourtant, je le jure : ce murmure portera loin.
Car il n’est pas seulement une idée.
Il est le souffle d’un empire.
“J’ai vu naître une flamme dans un monde qui s’éteignait.” – Le Témoin
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